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Le protectionnisme à la sauce bobo

Quentin Règles

Un article de

Alors que SHEIN, symbole planétaire de l’ultra-fast-fashion, s’installe au BHV Marais, le choc dépasse la mode : c’est tout un pays qui se découvre soudain protectionniste. Agnès B. crie au scandale, les réseaux s’indignent, les “éthiques sélectives” s’affolent. Une posture morale, moins à la mode que paradoxale : ceux qui condamnent soudainement la mondialisation… sont précisément ceux qui la fabriquent.

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Quentin Règles
SHEIN au BHV : l’irruption du réel dans la vitrine du bon goût


C’est une scène symbolique comme la France les adore : un mercredi dans le Marais, un BHV rutilant, des influenceuses en file d’attente, et la marque chinoise SHEIN qui fait son entrée sur les lieux. Une marque honnie pour ses vêtements à 5 euros, ses usines anonymes et ses pratiques agressives. Dans la foulée, Agnès Troublé, dite Agnès B., s’insurge : « Quand vous achetez ça, vous en avez pour très longtemps. C’est tout le contraire de SHEIN ». Elle annonce qu’elle ne renouvellera pas son contrat avec le grand magasin. Les réseaux s’enflamment, la presse s’en émeut, France Info s’offusque. Mais de quoi, au juste ? D’une marque chinoise à Paris, ou d’un miroir tendu à ses propres contradictions ?



La mondialisation n’a pas de quartiers réservés


SHEIN n’est pas une anomalie : c’est l’aboutissement logique d’un système que nous avons tous nourri. Avec plus de 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France en 2023, selon Boutique2Mode, et 58 % de croissance sur un an, la marque est devenue le symbole d’une consommation décomplexée, algorithmique, immédiate. En moyenne, 7 200 nouveaux modèles sont mis en ligne chaque jour, produits à la demande, livrés en 72 heures. Un cauchemar textile pour les éthiques molles, mais un rêve logistique pour une génération qui ne connaît plus la notion de “saison”... et prétend sauver la planète à coups de retours gratuits.


Quand SHEIN s’installe au BHV, c’est la mondialisation qui entre dans la cathédrale du bon goût. Et soudain, tout le monde s’en soucie. On n’a pas protesté contre Zara, ni contre H&M, ni contre ces marques bien françaises qui fabriquent au Bangladesh avant d’apposer sur leurs étiquettes un rassurant “dessiné à Paris”. Non, c’est l’irruption de la Chine à visage découvert, en plein cœur du Marais, qui devient insupportable. 



L’exception française, ce bouclier du confort moral


La France a inventé l’exception culturelle ; elle invente maintenant l’exception morale. On s’indigne de SHEIN comme on signerait une pétition esthétique : pour se rassurer. Le “made in France” n’est plus une politique, c’est un totem. On protège le symbole plus que la substance. Pendant qu’Agnès B. défend une mode “juste et durable”, 80 % du textile consommé en France est importé d’Asie, selon la Fédération française du prêt-à-porter. Et les 20 % restants ? Majoritairement assemblés ailleurs, étiquetés ici. L’exception française devient l’art de justifier la dépendance avec élégance.



Les chiffres


L’hypocrisie ne se résume pas à une indignation. Elle s’incarne dans les chiffres. En 2023, SHEIN n’a versé que 273 000 euros d’impôt sur les sociétés en France, pour un milliard et demi de chiffre d’affaires estimé. Une performance fiscale rendue possible par le seuil d’exonération des colis importés de moins de 150 euros. Résultat : 22 % des colis traités par La Poste proviennent aujourd’hui de SHEIN ou de son concurrent TEMU. L’État observe, impuissant. Les grandes enseignes françaises s’inquiètent pour leurs parts de marché. Mais personne ne touche au modèle.


Et quand l’administration inflige enfin une amende record de 40 millions d’euros pour pratiques commerciales trompeuses, en juillet 2025 (Le Monde), SHEIN s’en vante presque : “Nous coopérons avec les autorités et restons engagés dans la transparence.” La communication fait oublier la sanction. La morale devient un argument marketing.


Et, comme souvent en France, la politique s’y engouffre. Le Premier ministre Sébastien Lecornu s’est empressé de dénoncer l’affaire des “poupées pédopornographiques” associées à SHEIN, histoire de sauver la face. Trop tard : la marque avait déjà condamné, supprimé, communiqué, recyclé le scandale en “erreur de référencement”. La communication a effacé la faute plus vite qu’un communiqué ministériel.



Protectionnisme chic, mondialisme pratique


Ce que l’on nomme ici “colère” n’est pas économique, c’est esthétique. Le protectionnisme à la sauce bobo n’a rien d’un projet politique : c’est un réflexe de classe. On défend le “local” quand il valorise son image, pas quand il coûte. On fustige le capitalisme global, mais on s’y habille du matin au soir. On méprise la consommation de masse, tout en profitant de ses prix pour financer ses valeurs.


Chacun s’habille de démagogie et retourne sa veste.

En 2007, quand Amazon s’installait à Saran, près d’Orléans, combien voyaient dans cette arrivée une “chance pour la France” ?

On célébrait l’innovation, la modernité, les emplois nouveaux.

Quand Donald Trump érigeait ses barrières tarifaires, la France riait de ce “repli grotesque”...

Aujourd’hui, elle prône le retour du “produire en France” sans l’appeler ainsi.

Le protectionnisme est devenu fréquentable dès lors qu’il se parfume au lin et au coton bio.

L’idéologie change de forme : la frontière ne se dresse plus entre les pays, mais entre les goûts... et les classes.

Petits prix, petite TVA, pas assez de taxes pour l’État.

Moins cher que Tati, c’est intolérable !


Et nos artistes ne sont pas en reste : ils réclament “l’exception française”, exigent que l’État subventionne leurs films au nom de la culture, puis, une fois les César distribués, s’empressent de critiquer ce même pays qui finance leurs films. La morale devient un label, l’ingratitude un art national. En économie comme en culture, la France défend ce qu’elle critique et critique ce qu’elle finance.



Le vrai scandale : notre confort sélectif


L’affaire SHEIN ne révèle pas la brutalité du capitalisme chinois, mais l’hypocrisie du confort français. Ceux qui s’indignent au nom de la planète sont souvent ceux qui commandent leur canapé “responsable” sur une plateforme livrée en 48 heures depuis l’autre bout du monde. Ceux qui prêchent la décroissance font la queue pour un tote bag en coton bio fabriqué au Pakistan. Et ceux qui parlent d’éthique textile oublient que la mode reste, de loin, le deuxième secteur le plus polluant de la planète, juste derrière le pétrole. Quant aux conditions de travail, mieux vaut ne pas trop les imaginer : elles se jouent loin des caméras, dans les ateliers sans vitrine, et bien loin aussi des tartuferies de nos champions du luxe.


La vérité est cruelle : nous avons troqué la cohérence contre la bonne conscience. Nous aimons croire que nous défendons l’excellence, alors que nous ne défendons que nos privilèges. Le protectionnisme, à la française, n’est plus une doctrine : c’est un snobisme.



La morale du lin et la misère du monde


Shein n’est pas le symptôme d’un mal asiatique, mais le miroir d’une décadence occidentale. Une société qui condamne l’excès tout en l’achetant, qui dénonce le système tout en lui servant de modèle. La marque chinoise, honnie mais triomphante, n’a pas colonisé le Marais : elle y a trouvé un public. Et ce public, c’est nous. Le public consentant de l’européisme et de la mondialisation que prônent, dans les salles obscures, nos navets subventionnés.


Alors oui, Agnès B. a raison sur un point : « C’est une insulte à la création française. » Mais ce n’est pas SHEIN qui l’a commise. C’est la France qui a délocalisé son industrie, renoncé à sa production, puis habillé sa culpabilité d’un vernis moral. Le vrai scandale n’est pas que la mondialisation s’invite au BHV. C’est la médiocrité, la naïveté et la complicité de ceux qui la dénoncent.



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🧠 Confessions d’un T-shirt SHEIN
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