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Le sumo et l’exil : quand un Ukrainien conquiert le Japon

Igor Sifensarc

Un article de

Il y a des victoires qui ne sont pas seulement sportives, mais presque mythologiques. Celle de Danylo Yavhusishyn, réfugié ukrainien devenu champion du plus grand tournoi de sumo au Japon, fait partie de ces récits rares où la force brute croise le destin. À 21 ans, celui qui lutte désormais sous le nom d’Aonishiki Arata a renversé un sport millénaire, dans le temple même de ses traditions.

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Et pour un Japon encore très attaché à l’idée que le sumo est un monde à part, presque sacré, l’irruption d’un jeune Européen relève de l’événement.



Le Japon et son cercle sacré

Il faut avoir vu un dohyō - ce cercle de terre tassée surélevé - pour comprendre : le sumo n’est pas un sport, c’est un rituel. On y marche comme sur un autel. On y jette du sel comme on purifie un sanctuaire. Les gestes sont codifiés, le temps est suspendu, les mastodontes se font face avec la lenteur d’un éclipse.


Le sel, pas le riz : un geste vieux d’un millénaire.

On l’oublie souvent, mais ce nuage blanc qui s’élève avant chaque combat n’a rien à voir avec du riz. Les commentateurs eux-mêmes commettent parfois cette erreur : ce n’est pas un jet de grains, mais bien un jet de sel... un geste vieux d’un millénaire.


Les rikishi jettent du sel, et uniquement du sel. Ce geste, n’est pas folklorique : c’est l’héritage direct du shintō, où le sel est considéré comme un purificateur sacré. Le dohyō, ce cercle de terre tassée, n’est pas un ring ordinaire : il est traité comme un espace rituel, presque un autel. Le sel chasse symboliquement l’impur, protège le lutteur, prépare l’esprit et dramatise l’instant. C’est un moment suspendu, presque hypnotique, où la lenteur du rituel contraste avec la fulgurance de l’affrontement à venir. Et dans ce geste précis, immuable, se concentre tout le paradoxe du sumo : un sport d’une brutalité brève, entouré de rites d’une délicatesse millénaire.


Le sumo est l’un des plus anciens arts martiaux du monde, attesté dès le Kojiki (712). Au Japon, il est à la fois spectacle, mémoire, théâtre d’ombres et de puissance. Les tournois rythment l’année, des cris de Tokyo aux gradins de Fukuoka. C’est là, dans ce Kyūshū Basho de novembre, qu’un rikishi venu de loin vient de tout bousculer.



L’enfant de Vinnystia qui rêvait de sumo


L’histoire pourrait commencer par une phrase trop belle : « Il a commencé à sept ans ». Et pourtant, c’est vrai. Alors que ses camarades s’essayaient au football ou au judo, Danylo s’entraînait déjà à pousser, soulever, projeter. L’Ukraine, terre de lutteurs et de forceurs, possède une petite mais réelle tradition de sumo amateur. Le jeune garçon s’y révèle très vite.


Puis vient 2022. La guerre, l’exil, l’arrachement. Danylo quitte Vinnystia, traverse l’Europe, rejoint l’Allemagne… avant de décider d’embrasser son destin : le Japon, là où l’on devient vraiment rikishi. Il intègre l’écurie, apprend la langue, s’alourdit de discipline autant que de kilos, grimpe division après division. Jusqu’à ce jour de novembre où, dans le grand tournoi de Fukuoka, il terrasse les favoris et soulève un pays étonné.


Il entre alors dans une catégorie rarissime : celle des champions qui ne sont pas nés au Japon, encore moins en Asie. Après les Mongols, voici l’Ukrainien.



Le sumo en France : une passion discrète, une fascination assumée


En France, le sumo n’est pas tout à fait un sport, pas tout à fait une curiosité. Il existe des clubs, une poignée d’athlètes amateurs - jamais plus de quelques centaines de pratiquants - et sporadiquement des tournois, notamment à Paris. Mais dans notre imaginaire collectif, le sumo reste surtout lié à une silhouette : celle de Jacques Chirac, amateur sincère, gourmand même, qui accueillait les champions japonais au G7 comme d’autres exhibent des trésors, et qui reçut assez de ceintures et de figurines pour remplir aujourd’hui une vitrine entière au musée de Sarran.


Et pourtant, malgré l’admiration française (car il y en a une : le sumo fascine), ce sport reste peu diffusé. Les combats ne passent presque jamais à la télévision ; il faut fouiller les plateformes japonaises pour en saisir la beauté lente et fulgurante.



Pourquoi ce sport aimante autant ?


Peut-être parce qu’il raconte quelque chose que le sport moderne a perdu : l’épaisseur du rituel. On en goûte parfois encore au rugby, dans un haka venu du Pacifique ou dans une Peña Baiona bien sentie, ces instants où la ferveur dépasse la technique et où la discipline redevient une bravoure. 


Ici, les champions ont un nom de guerre, un poids sacré, une coiffure codifiée. Ils vivent ensemble, mangent ensemble, se lèvent à l’aube pour frapper la terre de leurs talons comme pour réveiller les anciens dieux.


Le sumo ralentit. Il concentre. Il sublime.


Et l’exploit d’Aonishiki Arata arrive comme un écho plus large : celui d’un jeune homme arraché à son pays par la guerre, qui trouve refuge dans une tradition millénaire et y grave son nom.


C’est plus qu’une victoire.

C’est un geste. Une purification. Une leçon de sagesse.

Une preuve que parfois, le destin frappe du pied, comme un rikishi,

et change la perspective que les autres vous imposent.



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Dans les coulisses de l’exploit
Dans les coulisses de l’exploit

La nuit précédant la victoire, Fukuoka semblait dormir d’un seul souffle. Mais dans l’enceinte du heya, là où les murs sentent encore le bois chaud et la cire, Aonishiki Arata ne dormait pas. Il était immobile, dos droit, mains posées sur ses cuisses. La pièce était silencieuse, seulement trouée par les pas feutrés d’un jeune disciple venu vérifier les futons. Le Japon aime la discipline, mais il existe des nuits où la discipline n’est qu’un décor. Dans la tête d’un futur champion, le silence lui-même devient un adversaire.

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