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L’effet Rosenhan : quand la folie est dans le regard

Luna Myriandreau

Un article de

Et si la folie n’était pas dans les patients, mais dans le regard qui prétend les diagnostiquer ?

L’expérience de David Rosenhan, en 1973, a révélé la fragilité de l’expertise psychiatrique : voir des fous partout, même quand il n’y en a aucun. Cinquante ans plus tard, son écho résonne dans nos écoles, nos tribunaux et nos vies.

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Luna Myriandreau

Dans les années 1970, un psychologue américain, David Rosenhan, eut l’audace de poser une question simple : pouvait-on encore faire confiance à l’expertise psychiatrique ?


Pour y répondre, il n’usa pas de statistiques, mais d’une mise en scène. Huit volontaires parfaitement sains, dont lui-même, se présentèrent aux portes de douze hôpitaux psychiatriques. Leur seul symptôme simulé : entendre une voix énonçant des mots vagues : « vide », « creux », « boum ». Une petite fissure dans la normalité, rien de plus...


La suite est vertigineuse. Tous furent admis. Tous furent étiquetés « schizophrènes ». Et tous, une fois entrés, cessèrent toute simulation, adoptant un comportement normal, rationnel, attentif. Rien n’y fit. Le diagnostic resta. Dans l’univers clos de l’hôpital, chaque geste le plus banal, comme écrire des notes, attendre une cigarette, marcher dans un couloir, devenait une preuve de pathologie. « La maladie, disaient les psychiatres, est bien installée. »


Mais la véritable gifle survint quelques mois plus tard. Après avoir publié ses résultats, Rosenhan fut mis au défi par un grand hôpital : « Envoyez-nous de faux patients, nous les démasquerons. » Il accepta. L’hôpital observa alors avec vigilance 193 admissions sur trois mois. Résultat : 41 imposteurs repérés, 42 cas jugés suspects… Or Rosenhan n’avait envoyé personne. 


Tous étaient de vrais patients. La peur de l’imposture avait transformé les médecins en guetteurs hallucinés. C’est cela qu’on a appelé « l’effet Rosenhan » : voir des ennemis partout, dès que l’on craint d’être trompé. La folie avait changé de camp ! Et la discipline tout entière en sortait ridiculisée.


Ce n’est pas seulement une anecdote de l’histoire de la psychiatrie. C’est une fêlure dans l’idée même d’expertise. Si l’on a pu se tromper à ce point, comment croire aveuglément aux diagnostics qui tombent dans nos tribunaux, nos écoles, nos cabinets ? Car le discernement - ce mot magique qui peut transformer un crime en simple écart d’un esprit fragile - repose sur la même science hésitante.


Science ? Le mot sonne creux, comme une blouse trop large pour habiller l’incertitude.

On veut distinguer le sain du malade, mais l’on confond souvent la norme sociale avec une vérité biologique. Et l’on oublie que la justice, en multipliant les expertises psychiatriques, délègue parfois à des médecins ce qui devrait rester un choix moral et politique : décider si un homme est responsable de ses actes.


Et que dire du consumérisme psychologique qui s’est installé depuis ?

Les mères inquiètes, parfois coupables, parfois en quête de reconnaissance, multiplient les consultations. On veut que l’enfant soit “HPI” (haut potentiel intellectuel), “hypersensible”, “dys” (dyslexique, dyspraxique, peu importe la déclinaison) ou “TDAH” (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). L’essentiel est qu’il ait son étiquette. Comme si le simple fait d’exister ne suffisait plus.


Comme si l’enfant devait porter le fardeau des désirs parentaux, devenir cobaye d’un besoin d’explication, d’une quête de rattrapage ou d’expiation. Expiation de quoi ? D’un adultère, d’une absence trop longue, d’un travail qui éloigne, d’une culpabilité sourde d’avoir aimé ailleurs ou d’avoir aimé moins. L’enfant se retrouve à payer la dette invisible des adultes, étiqueté non pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il doit réparer.

Derrière chaque diagnostic plane un soupçon : soigne-t-on l’enfant, ou apaise-t-on la conscience de ses parents ?


Car la vague est là, massive : explosion des diagnostics de TDAH, prescriptions d’antidépresseurs qui ne cessent de croître en France, déjà l’un des pays les plus consommateurs au monde : et un nombre de procès où la question du discernement psychiatrique allège, sinon efface, la peine. La souffrance psychique est réelle, mais son interprétation devient une industrie, une mécanique sociale, presque une monnaie d’échange. À force de chercher des troubles partout, on a bâti un marché florissant : celui de la souffrance psychologique.


L’expérience de Rosenhan, il y a cinquante ans, continue de résonner aujourd’hui. Elle nous rappelle que la folie n’est pas toujours dans les cerveaux qu’on examine, mais parfois dans le regard qui les scrute. Et quand on pense à l’aura dont bénéficient psychologues et psychiatres dans notre société, la leçon devient encore plus troublante.


J’ai vu cette allégeance dans de nobles familles bourgeoises : on écoute le praticien comme un oracle, on cite ses avis comme des vérités indiscutables. On frise une dévotion qui n’a rien à envier aux gourous improbables de certaines sectes.


Une société qui veut tout expliquer par la psychologie, qui s’accroche à des diagnostics comme à des totems, finit par fabriquer elle-même ses fous. Et peut-être sommes-nous tous les pseudopatients de cette immense expérience sociale ?


Est-ce de la science, ou bien seulement le masque fragile de nos lâchetés collectives ? Une société qui multiplie les numéros verts à la moindre canicule, qui déploie des cellules psychologiques pour masquer son inaction, préfère l’illusion du soin à la vérité du courage.



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Dans la tête d’un imposteur
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Vous poussez la porte. L’odeur de désinfectant vous pique le nez, vos pas résonnent dans le hall carrelé. Devant vous, un psychiatre vous scrute, stylo prêt. Vous ne dites qu’une phrase : J’entends une voix. Elle dit “vide”.

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