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Ils sont partis à 60 ans. Nous irons à 66.

François Singer

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En 1987, deux actifs finançaient un retraité. Quarante ans plus tard, le ratio s’est effondré et les règles ont changé. Retour sur un reportage oublié qui disait déjà l’injustice à venir.

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François Singer
L’Aventure des métiers, 1987


J’avais vingt ans. Pas de bac en poche, mais déjà une obsession : raconter le monde. J’étais tombé amoureux des radios libres dès leur apparition et, le jour même de mes dix-huit ans, j’avais choisi d’en faire ma vie. Ce fut ma vraie école.


En avril 1987, j’ai eu la chance de couvrir « L’Aventure des métiers », cette grande manifestation installée à la Grande Halle de la Villette. Quatre cents métiers y étaient présentés. L’endroit bourdonnait de démonstrations, de machines, de stands colorés. On y croisait les jeunes et les familles, des ouvriers comme des cadres, et même les politiques qui comptaient. J’ai serré la main de Chirac, j’ai discuté avec Rocard. Tout semblait possible, la France se voulait moderne et confiante.


Et pourtant, une intuition me travaillait déjà. Nous étions en plein dans l’euphorie du Futuroscope, de la science triomphante, de l’Europe qui se dessinait. Mais derrière les discours, je voyais autre chose : la génération des baby-boomers, celle qui dominait la scène, s’était offert un cadeau royal. La retraite à 60 ans. Un privilège historique. Une promesse tenue… pour elle-même. J’étais persuadé que nous, les suivants, n’aurions pas cette chance.


Je n’étais pas économiste, juste un jeune journaliste. Mais ce doute-là, je l’ai gardé.



Ce qu’on ne disait pas aux jeunes


Car il faut le rappeler : la retraite française n’est pas une épargne personnelle. Ce n’est pas « j’ai cotisé, j’ai droit ». C’est un système par répartition : les actifs paient, chaque mois, les pensions des retraités. Rien n’est stocké pour demain, tout est redistribué dans l’instant.


Et pourtant, combien de débats, de tribunes, de conversations où l’on entend le contraire… Comme si la retraite était un trésor accumulé au fil d’une vie, une sorte de capital personnel. Cette illusion nourrit les slogans : « Nos parents se sont battus pour nos droits », « Nous avons cotisé, c’est acquis ». Mais c’est une incompréhension tenace. On ne transmet pas un coffre plein, on transmet un fardeau.


Cette méprise a permis à toute une génération de vivre au-dessus des moyens démographiques, en s’offrant des conditions généreuses au moment où l’équation leur était favorable. En clair : cette génération a rasé gratis. Et le plus troublant, c’est que beaucoup persistent à nier cette fracture entre ceux qui ont profité et ceux qui paient aujourd’hui.


En 1987, il y avait encore environ 2,1 actifs pour financer un retraité. L’équilibre semblait tenable.


En 2025, nous sommes descendus à 1,7 actif par retraité. Et demain, ce sera 1,4. C’est une mécanique implacable : plus d’anciens à soutenir, moins de jeunes pour le faire. Le reste n’est qu’arbitrage politique.


À l’époque, la pyramide des âges jouait en faveur des boomers : nombreux, puissants, ils ont voté pour eux-mêmes une retraite généreuse et précoce. Aujourd’hui, leur héritage pèse lourd sur nos épaules.


C’est ce que François Bayrou a reconnu à demi-mots hier soir sur TF1, en appelant au “raisonnable” pour les actifs d’aujourd’hui, au nom de la jeunesse de demain… mais en oubliant de préciser qu’il appartenait lui-même à ceux qui ont bénéficié du système au moment le plus favorable.



Le contraste des époques


En 1987, l’avenir se rêvait lumineux. On inaugurait la Cité des sciences, on parlait technologies, Europe, modernité. La France voulait croire qu’elle pouvait tout affronter.


En 2025, le ton a changé. L’Insee mesure chaque mois la confiance des ménages : elle est inférieure à la moyenne historique. Les enquêtes montrent que plus de sept Français sur dix n’ont plus confiance dans la politique.


À la fin des années 80, Edgar Morin écrivait : « L’Europe vit un destin commun ; à nous d’en élaborer un dessein commun. »

Hélas, Maastricht n’a accouché que d’un grand marché sans âme, et l’Europe s’est muée en fuite en avant mondialiste.


En 2025, le politologue Brice Teinturier constate : « La vraie crise, ce n’est plus la révolte, c’est le détachement. Plus rien à faire, plus rien à foutre. »

L’indifférence est devenue notre refrain collectif, comme l’aurait chanté Gilbert Bécaud : "tu es cocu... et tu t'en fous !"



Le poids du temps


J’ai commencé à travailler le jour de mes dix-huit ans. Cela fait désormais plus de quarante ans. J’ai la fatigue légitime de celui qui n’a jamais cessé, qui a traversé les âges et les crises, et dont le métier a dû sans cesse se réinventer. Avec, toujours, ces trous dans la raquette du créateur, qu’aucun dispositif ne protège vraiment. Et il me reste encore sept ou huit années à parcourir, jusqu’à 65 ou 66 ans. Point. 


Et j’avoue que j’ai du mal à supporter la petite musique qui revient sans cesse : « Mais pourquoi tu te plains ? On a tous fait ça. »

S’y ajoute désormais la leçon de morale : la culpabilité qu’on voudrait nous faire porter au nom des générations futures.

Ironie suprême : ce sermon vient précisément de ceux qui ont profité des conditions les plus favorables... sur notre dos.


Non. Ils n’ont pas tous fait ça. Beaucoup sont partis à soixante ans, avec une pension garantie, dans un monde où deux actifs finançaient chaque retraité. Nous n’aurons jamais cette équation-là.


Il y a quelque chose d’injuste. Être raisonnable, peut-être. Mais encore faudrait-il que cette génération qui s’est trompée sur tout commence par dire : « Oui, nous nous sommes trompés. »


La décence serait d’avouer qu’elle s’est gavée, qu’elle a profité sans retenue, et d’avoir au moins le courage de commencer par dégraisser ses propres privilèges. Car au bout du compte, qu’a-t-elle légué comme progrès véritable ? Le droit à l’euthanasie ? Est-ce donc cela, la grande liberté qu’on nous laisse en héritage : la permission de mourir quand tout le reste nous aura été refusé ?



Le souvenir qui reste


Et je reviens à mon reportage de 1987. Au milieu de la foule, il y avait ce garçon, quinze ou seize ans, pas plus.


On lui tend un micro, il interroge un professionnel. Sa première question n’est pas « Quel est ton métier ? », ni « Comment faire carrière ? » Non. La toute première, je m’en souviens comme si c’était hier :

« Est-ce qu’on aura une bonne retraite ? »


J’en étais resté stupéfait. À cet âge-là, déjà, l’inquiétude perçait.

Presque quarante ans plus tard, je me dis qu’il ne se trompait pas. Nous ne nous trompions pas. Ce que nous avons pressenti ce jour-là s’est réalisé.


La génération d’avant s’est offert le meilleur. À nous, il reste l’addition : le calcul, les ajustements, la rigueur. Et toujours cette petite musique : « Soyez raisonnables. »

Mais la vérité, c’est qu’ils ne l’ont jamais été pour eux-mêmes : et c’est à nous, aujourd’hui, qu’ils demandent de payer leur festin.



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1987–2025 : deux époques face à face
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En 1987, la France inaugurait le Futuroscope, croyait à l’Europe et à la science, et envoyait ses jeunes découvrir « L’Aventure des métiers » à la Villette. L’air du temps se voulait conquérant.

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