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Pas d’image, pas d’histoire

Quentin Règles

Un article de

“Crash en Inde : 53 Britanniques à bord.”

Et sur BFM TV, ce chiffre devient le bandeau. Le titre qui accroche. L’obsession. La seule. Il reste là, collé plusieurs minutes à l’écran. 

Pourquoi certains morts font la Une… et d’autres pas

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Quentin Règles
C’était hier matin.


Un Boeing 787 d’Air India s’écrase juste après son décollage d’Ahmedabad. 242 personnes à bord. Un carnage probable. Les images sont violentes, la carcasse du Dreamliner disloquée, les secours s’activant dans une fumée noire, des corps extraits à la hâte. Le genre d’accident rare, total, qu’on appelle en aviation une “perte de coque”. Mais ce n’est pas la violence du crash qui fait frémir les chaînes d’info.


C’est un chiffre : 53 Britanniques à bord.

Et sur BFM TV, ce chiffre devient le bandeau. Le titre qui accroche. L’obsession. La seule. Il reste là, collé plusieurs minutes à l’écran. Le temps qu'il fasse son effet :


“Crash en Inde : 53 Britanniques à bord.”


Comme si les morts indiens, la grande majorité, ne comptaient pas autant. Comme si l’horreur prenait de la valeur à proportion de notre proximité culturelle ou nationale avec les victimes.


L’avion s’est écrasé en Inde, mais ce qu’on retient, c’est qu’il transportait des Occidentaux.


Ce réflexe n’est pas anodin. Il est révélateur d’un algorithme implicite, d’une hiérarchisation silencieuse des morts, que personne ne décrète, mais que tout le monde applique.



L’équation invisible : pays + image + ressemblance


Il ne suffit pas qu’un drame ait lieu. Il faut qu’il réponde à des critères précis pour mériter l’attention médiatique.


Dans les rédactions, on ne les formule jamais aussi crûment. Mais ils fonctionnent.

Trois critères dominent :

  1. Le pays concerné : plus il est “lointain” ou perçu comme périphérique, moins il mobilise.

  2. La présence de victimes occidentales : c’est ce qui active la compassion immédiate.

  3. L’existence d’images : sans vidéo, pas de boucle TV, pas de viralité, pas d’émotion.

Le crash d’Ahmedabad coche toutes les cases : un appareil Boeing (donc occidental), et des ressortissants britanniques à bord. Il est donc “reconnaissable”, “diffusable”, “regardable”. Le reste peut attendre. Bingo, on a des images. On va pouvoir retirer le bandeau : "53 Britaniques à bord"



Ces morts qui n’ont jamais fait la Une


Ce filtre inconscient, on le retrouve partout.


→ En 2018, en Algérie, un avion militaire s’écrase au décollage : 257 morts. Un drame absolu, mais pas une alerte sur nos téléphones.


→ En 1988, un Airbus iranien, vol civil, est abattu par erreur par un croiseur américain au-dessus du Golfe Persique : 290 morts, dont 66 enfants. L’Occident détourne les yeux.


→ En 2019, un Boeing 737 Max s’écrase en Éthiopie. Le modèle entier sera cloué au sol mondialement après ce drame. 157 morts, mais pas de boucle émotionnelle. Pas de récit.


→ À l’inverse, quand un pilote allemand de Germanwings précipite son avion contre une montagne en 2015 (150 morts), l’émotion est mondiale. L’Europe est en deuil.


Pourquoi ? Les morts ne sont pas moins mortes ailleurs. Mais elles sont moins racontables.



Gaza, Donbass, Yémen : drames en zone muette


Même logique pour les conflits.


Gaza est (peu) filmée. Parfois mal, parfois à travers des filtres idéologiques, mais elle est médiatiquement et politiquement visible.

Le Yémen, non.


Depuis 2014, la guerre y a fait près de 400 000 morts directs et indirects. Bombardements de marchés, hôpitaux, écoles. Mais aucune émotion planétaire.

Pas de rassemblements, de conférences, d'universités occupées. Pas de mobilisation. Pas de marches. Pas de drapeaux. Rien.


Pourquoi cette indifférence ?


Peut-être parce que le Yémen n’a pas d’ennemi idéal pour mobiliser. Peut-être parce que dénoncer Israël est devenu une posture politique pour une partie des opinions, alors que critiquer l’Arabie saoudite ou l’Iran, c’est plus confus, moins “rentable” symboliquement.


Peut-être aussi parce que personne ne sait placer le Yémen sur une carte.


Même chose pour le Donbass, dont la guerre a commencé bien avant celle qui oppose l’Ukraine à la Russie à l’échelle globale. Les morts s’y sont accumulés dans un quasi-silence, jusqu’à ce que la Russie défie l’Occident et que celui-ci décide, à nouveau, que ce front-là, enfin, nous concernait.



Mourir ici ou là-bas


En France, on meurt aussi dans le silence.

Chaque année, plus de 500 personnes meurent d’un accident du travail, dont beaucoup dans la construction.

Des agriculteurs se suicident par centaines. Des SDF gèlent ou s’épuisent sans que leur corps n’alerte quiconque.

Mais ces morts-là n’ont pas d’image. Elles ne sont pas spectaculaires. Elles ne sont pas montables en boucle.



Voir, c’est croire.


Il faut bien comprendre que le scandale n’est pas dans l’accident. Il est dans sa sélection.


Les images que nous voyons chaque jour ne sont pas le reflet du monde, mais le résultat d’un tri. Un tri algorithmique, géopolitique, émotionnel.


Une synagogue est taguée à Berlin : l’information fait la Une des journaux du monde entier. Et c’est bien normal. Mais quarante enfants yéménites déchiquetés dans un raid aérien ? Une brève, peut-être. Une note de bas de page, si elle existe.


Un Français meurt dans un attentat à Ouagadougou ou à Nairobi : l’alerte tombe sur tous les écrans.

Deux cents migrants se noient entre le Soudan et l’Arabie saoudite : un chiffre. Une ligne. Un soupir.

Le même bateau, s’il change de cap, s’il se rapproche de Lampedusa, alors soudain, il redevient bankable. Il entre dans le champ, dans la narration, dans ce que l’on consent à regarder.



Mourir deux fois


C’est là le plus cruel.

Il y a la mort biologique, et la mort médiatique.

La première est injuste.

La seconde est volontaire.


Ceux qu’on ne montre pas meurent dans le silence, puis dans l’oubli. Et le pire, c’est que nous avons appris à ne plus nous en étonner.

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