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đŸŠâ€â™‚ïž Se baigner dans la Seine : prouesse urbaine ou privilĂšge symbolique ?

Nicolas Guerté

Un article de

Depuis le 5 juillet 2025, la baignade dans la Seine est officiellement autorisĂ©e. Cent deux ans aprĂšs son interdiction Ă  Paris, le fleuve redevient un lieu de plaisir estival. Trois sites ont Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©s : au pied de la BnF, Ă  Grenelle sous la Tour Eiffel, et dans le bras Marie, prĂšs de l’üle Saint-Louis.

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Nicolas Guerté

Il fallait oser. Et ils l’ont fait. Chacun peut dĂ©sormais, en thĂ©orie, s’immerger gratuitement au cƓur de la capitale. Mais derriĂšre l’image lĂ©chĂ©e d’un Paris qui “revit avec son fleuve”, se cache une question plus rugueuse : Ă  ce prix-lĂ , pour qui ?



🕰 Un retour
 aux sources


Au XIXe siĂšcle, la Seine Ă©tait un lieu de vie, de lessive, de pĂȘche, de bain. On y trouvait des piscines flottantes, installĂ©es dĂšs 1761, et jusque dans les annĂ©es 1920, on s’y baignait librement. Mais l’industrialisation, les Ă©gouts, et plus tard les rejets domestiques ont transformĂ© le fleuve en cloaque. En 1923, la baignade est interdite Ă  Paris. Depuis, la promesse d’un retour a hantĂ© les maires successifs. Jacques Chirac en avait rĂȘvĂ© en 1988. Il ne l’a jamais fait : "trop cher, trop compliquĂ©".


Le coĂ»t astronomique d’une telle dĂ©pollution, les dĂ©fis techniques liĂ©s aux Ă©gouts parisiens, et l’absence de volontĂ© nationale freinĂšrent net le projet. Quelques annĂ©es plus tard, avec son ironie coutumiĂšre, le PrĂ©sident de la RĂ©publique concĂ©da qu’il n’avait “pas trĂšs envie de choper une gastro”.



🐾 Les femmes grenouilles


Anne Hidalgo, elle, l’a promis pour les Jeux olympiques, mais n’a pas plongĂ© la premiĂšre...


À l’étĂ© 2024, c’est finalement la ministre des Sports, AmĂ©lie OudĂ©a-CastĂ©ra, qui s’est offert la premiĂšre nage officielle, ou du moins la photo planĂ©taire : combinaison intĂ©grale, quelques brasses timides dans une zone bien balisĂ©e, et surtout avec un photographe bien placĂ©.


Le geste Ă©tait mesurĂ©, un tantinet grotesque et l’image a fait le tour des rĂ©dactions, volant Ă  la maire de Paris sa scĂšne attendue depuis quinze ans. Et c’est finalement, un an plus trad, Ă  l’étĂ© 2025, que les parisiens peuvent Ă  leur tour se jeter Ă  l'eau.



đŸ’¶ Le prix d’une utopie


Pour rendre la Seine baignable, il a fallu investir 1,4 milliard d’euros. Un effort titanesque, Ă  cheval sur plusieurs mandats. Le cƓur du dispositif repose sur le bassin d’Austerlitz, un rĂ©servoir souterrain de 50 mĂštres de diamĂštre capable de stocker 50 000 mÂł d’eaux usĂ©es et de pluie. Car c’est lĂ  tout l’enjeu : empĂȘcher que les eaux de ruissellement ou les rejets non traitĂ©s n’aboutissent directement dans le fleuve lors d’épisodes orageux. Si la mĂ©tĂ©o se gĂąte, la baignade est suspendue, parfois 24 Ă  48 heures, renouvelables.


En parallĂšle, plus de 12 000 branchements illĂ©gaux ont Ă©tĂ© corrigĂ©s, les stations d’épuration modernisĂ©es, et un systĂšme de surveillance automatique de la qualitĂ© de l’eau dĂ©ployĂ©, mesurant en continu la prĂ©sence d’E. coli ou d’entĂ©rocoques.

Un chantier exemplaire, dont se glorifie aussi le locataire de l'Elysée. Sauf que




📊 
 tout le monde ne plongera pas


MalgrĂ© la gratuitĂ©, les conditions d’accĂšs sont strictes : il faut avoir 14 ans ou plus (ou ĂȘtre un enfant accompagnĂ© dans la pataugeoire de Grenelle), savoir nager, mesurer au moins 1,40 mĂštre, se doucher avant et porter une bouĂ©e fournie sur place. Sur le site de Grenelle, la capacitĂ© maximale est de 200 personnes. À Bercy, lĂ©gĂšrement plus. Sur les trois zones ouvertes jusqu’à fin aoĂ»t, les estimations tournent autour de 150 Ă  300 baigneurs actifs par crĂ©neau.


Sur deux mois d’étĂ©, en admettant une frĂ©quentation optimale et un ensoleillement constant, le nombre total d’utilisateurs rĂ©els pourrait ne pas dĂ©passer 50 000 personnes. Soit 28 000 euros par baigneur, si l’on ose faire ce calcul brut. Certes, la Seine nettoyĂ©e profite Ă  tous. Mais l’accĂšs direct, physique, sensoriel
 reste, lui, hautement minoritaire.



🏗 Ce que cache le fond


On aurait pu croire que rendre la Seine baignable impliquerait de la draguer, de la curer, de la dĂ©barrasser de ses sĂ©diments accumulĂ©s. Il n’en a rien Ă©tĂ©. Le fond du fleuve n’a pas Ă©tĂ© nettoyĂ©, pour des raisons Ă  la fois techniques, Ă©cologiques
 et budgĂ©taires. Toucher Ă  ces boues sombres et Ă©paisses, c’est rĂ©veiller un siĂšcle de pollution : hydrocarbures, mĂ©taux lourds, objets divers, parfois toxiques. Laisser ces dĂ©pĂŽts en place, c’est aussi Ă©viter qu’ils ne se redispersent dans la colonne d’eau.


Alors on a prĂ©fĂ©rĂ© traiter l’eau, filtrer les rejets, limiter les polluants
 sans vraiment toucher au lit du fleuve. Pourtant, les agents municipaux et les plongeurs ont retirĂ© ces derniĂšres annĂ©es un inventaire Ă  la PrĂ©vert : scooters, caddies, bouteilles, bidons, tĂ©lĂ©phones, panneaux, armes, pneus
 La Seine reste un miroir aux trĂ©sors engloutis, parfois mĂȘme un rĂ©ceptacle d’enquĂȘtes judiciaires.


Résultat : les zones de baignade sont strictement délimitées, flottantes, sans contact direct avec le fond. On nage en surface, on regarde les quais, mais on ne touche pas le sol. Mieux vaut ne pas y poser le pied.



🌍 Une vitrine française ou un modùle exportable ?


D’autres villes ont montrĂ© l’exemple : Zurich ou Copenhague ont rĂ©ussi Ă  rĂ©concilier habitants et cours d’eau avec des systĂšmes durables et une qualitĂ© d’eau constante. Mais Ă  Paris, le pari reste fragile. Un simple orage peut annuler une journĂ©e d’ouverture. La prĂ©sence de rats ou de dĂ©tritus a Ă©tĂ© signalĂ©e dĂšs les premiers jours. Une sociĂ©tĂ© indĂ©pendante de surveillance, Fluidion, met en garde contre l’instabilitĂ© de la qualitĂ© de l’eau malgrĂ© les efforts.


L’évĂ©nement a donc valeur de symbole, plus que d’usage massif. Une capitale mondiale qui s’offre un bain dans son fleuve, comme un manifeste Ă©cologique. Mais certains pointent une stratĂ©gie de vitrine, coĂ»teuse, rĂ©servĂ©e Ă  une poignĂ©e d’urbains en quĂȘte d’expĂ©riences insolites. À l’heure oĂč de nombreuses piscines municipales ferment par manque de moyens, la question de la prioritĂ© d’investissement se pose.



⚖ Le luxe de la propretĂ©


La Seine est plus propre. IndĂ©niablement. Et ce nettoyage bĂ©nĂ©ficiera Ă  l’écosystĂšme tout entier. Mais la baignade, elle, reste soumise aux caprices du ciel, aux seuils bactĂ©riens et aux contraintes de sĂ©curitĂ©. Et peut-ĂȘtre Ă  une forme d’entre-soi fluvial. Ceux qui s’y baigneront auront le droit de dire : j’y Ă©tais.


La majorité, elle, regardera passer les bouées.

Pas sĂ»r qu’elle les jalouse.

Pas certain non plus qu’elle apprĂ©cie d’avoir financĂ©, au nom du bien commun, un plaisir aussi liquide
 dans tous les sens du terme.



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