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Le suicide des seniors

Luna Myriandreau

Un article de

À Gap, une femme d’une soixantaine d’années s’est donné la mort avec une tronçonneuse sur le parking d’une zone commerciale, un geste d’une violence rare, presque irréelle. Mais derrière ce choc brutal, c’est un phénomène longtemps passé sous silence qui réapparaît : le suicide des personnes âgées, massif, documenté, et pourtant largement absent du débat public.

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Luna Myriandreau
Le fait divers qui révèle ce que les chiffres taisent


Sur les images de Gap, ce qui heurte d’abord est la scène elle-même : un samedi après-midi, devant un magasin de bricolage, une femme met fin à ses jours en plein jour, à la vue d’inconnus. On peut y voir un fait divers extrême, presque impossible à raconter sans malaise. Mais il suffit d’écouter le professeur Michel Debout, psychiatre et ancien membre de l’Observatoire national du suicide, pour comprendre autre chose : « Ce type d’acte s’inscrit presque toujours dans une détresse ancienne, silencieuse, que personne n’a su entendre. »


Ce silence, justement, c’est celui qui entoure les seniors. Car si la France s’inquiète - à juste titre - de la santé mentale des jeunes, ce sont les plus âgés qui se suicident le plus. Selon la DREES, les 85 ans et plus affichent un taux dépassant 35 décès pour 100 000 habitants, et pour les hommes de cette tranche d’âge, les données compilées par l’Insee et le CépiDc montrent une réalité encore plus dure : près de 86 pour 100 000. À titre de comparaison, le taux des adolescents reste inférieur à 3 pour 100 000. Même à l’échelle européenne, l’étude publiée dans The Lancet en 2025 ne laisse aucun doute : les plus de 65 ans concentrent un taux moyen de 16 suicides pour 100 000 habitants, bien au-dessus de la plupart des classes d’âge.


En France, les hommes y paient le prix le plus lourd, avec des taux qui s’envolent au-delà de ceux de tous les autres groupes. Comment ne pas y voir une question urgente, presque une alerte adressée à toute la société ?



Une mécanique silencieuse que rien ne vient freiner


Pourquoi ces chiffres, massifs, restent-ils si peu commentés ? Sans doute parce que le grand âge donne l’illusion d’une sagesse apaisée. La retraite est censée libérer du temps, offrir un recul, donner enfin la possibilité de souffler...


Mais la réalité est plus âpre. Pour beaucoup, le retrait de la vie professionnelle entraîne surtout une disparition progressive du rôle social. Les deuils se multiplient, les cercles d’amis se réduisent, la mobilité diminue. La sociologue Monique Dagnaud parle de « solitude structurelle du très grand âge ». Les Petits Frères des Pauvres estiment qu’au moins 300 000 personnes vivent un isolement extrême en France.


Pour d’autres, la souffrance physique devient centrale. La gériatre Anne-Sophie Rigaud rappelait dans un entretien à France Info que la douleur chronique est l’un des premiers moteurs du passage à l’acte, bien plus que la dépression « classique ». S’y ajoute une peur, rarement dite mais souvent présente : celle de devenir un poids. « Je ne veux pas vous gêner », « Vous avez assez à faire », « Je ne sers plus à rien » : ces phrases, anodines en apparence, reviennent fréquemment dans la bouche de personnes qui, en réalité, ont commencé à se détacher de la vie.



Ce que l’on n’a pas voulu voir


Les signaux existent pourtant. Ils tiennent dans une phrase de moins au téléphone, une sortie annulée, un geste inhabituel, une mise en ordre méticuleuse des affaires. Le rapport du ministère de la Santé sur la prévention du suicide rappelait dès 2013 que « la majorité des personnes âgées ayant mis fin à leurs jours avaient exprimé des signes perceptibles dans les semaines précédentes ». Mais qui les entend encore ?


Le généraliste manque de temps, les proches s’habituent à des phrases sombres qu’ils prennent pour du fatalisme, l’entourage se persuade qu’« à cet âge-là, c’est normal d’avoir des idées noires ». Ce n’est pas normal. Ce n’est jamais normal.

Le numéro national 3114, mis en place pour répondre aux crises suicidaires, reçoit encore peu d’appels de cette tranche d’âge. Les études européennes, comme celle publiée par AGE Platform Europe en 2024, appellent pourtant à des politiques spécifiques, insistant sur le rôle protecteur du lien social. Le psychologue Alain Braconnier parle même de « crise de sens tardive », un phénomène que la société sous-estime, faute d’y avoir déjà été confrontée à grande échelle.



Gap, comme un miroir brutal


C’est ici que le drame de Gap prend un sens particulier. Le choix du lieu, exposé, banal, presque trivial, renvoie à quelque chose de plus profond : l’envie de disparaître tout en se faisant voir. Comme si un dernier geste pouvait, à défaut d’être compris, au moins être remarqué. Le chercheur Xavier Briffault résumait cette idée dans une conférence au CNRS : « Le suicide n’est pas un refus de la vie, mais souvent un refus de continuer à souffrir seul. » Cette phrase, dans le contexte de Gap, résonne comme un diagnostic.


La France vieillit, et pourtant elle n’a jamais autant peiné à regarder sa vieillesse en face. On déplore l’isolement sans le combattre, on parle d’autonomie sans penser au sens, on prolonge la vie sans s’assurer qu’elle reste vivable. Les seniors sont devenus une catégorie statistique, pas une réalité humaine. On leur explique qu’il faudra travailler jusqu’à 67 ans, mais on ferme la porte des embauches dès 55 ans, « parce que les jeunes en ont besoin ». Cette contradiction, François Singer l’avait déjà pointée dans son analyse sur la nouvelle force tranquille : une société qui exige toujours plus de ses anciens mais ne leur offre plus de place réelle finit par fabriquer elle-même le sentiment de trop-plein qui ronge le grand âge.



La responsabilité d’une société


Le suicide des personnes âgées n’est pas un drame individuel : c’est le symptôme d’une société qui laisse ses anciens glisser dans l’ombre. Empêcher qu’un nouveau geste comme celui de Gap ne surgisse un jour sur un autre parking, dans un autre village, n’exige ni miracle ni politique révolutionnaire, mais simplement une vigilance active : regarder, écouter, prendre au sérieux, ne pas banaliser.


Redonner aux anciens une place, un rôle, une voix. Parce qu’au bout du compte, une société se juge à ce qu’elle fait de ses plus fragiles. Et il faudrait cesser de croire que tout se joue uniquement dans la jeunesse : la transmission, la culture et la civilisation continuent de se construire par la parole des aînés, pas seulement par les biberons. C’est en recréant du lien intergénérationnel, en laissant de l’air aux jeunes et de la place aux vieux, que l’on retrouvera ce qui faisait tenir les sociétés : des générations qui se répondent, qui s’enrichissent et qui se tiennent. C'est peut-être cela, au fond, faire nation !



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